La greffe m’a sauvé la vie, mais ce n’est pas une guérison. Jusqu’à quand vais-je tenir ?
11/03/2024 — Sabrina Perquis, atteinte de mucoviscidose et greffée des poumons
Née 2 ans avant Grégory, en 1981, je devais mourir à 7 ans. C’est l’annonce qui a été faite à ma mère lors du diagnostic. C’est vrai que j’ai passé une grande partie de mon enfance à l’hôpital, vécu une vie de soins quotidiens lourds et grandi avec la mission principale de me soigner… et j’ai tenu bon !
À 26 ans pourtant, mon état s’est brutalement dégradé avec une fièvre à 40°C qui a duré 19 jours. Là, mon médecin m’a dit : « cela va être compliqué car on a essayé tous les traitements possibles et plus rien ne marche ». Quelques mois auparavant, on avait commencé à me parler de la greffe. Au début, je ne voulais pas en entendre parler. Mais 3 ans auparavant, j’étais devenue maman. Pour mon petit garçon, j’ai donc accepté de me lancer dans le bilan pré-greffe.
Ma greffe
Début janvier 2007, me voici inscrite sur la liste d’attente de greffe, et puis… j’attends ! Mon état se dégrade encore, je ne peux plus travailler, ni sortir, je ne vois plus personne… Au bout de 6 mois, je vis à nouveau un épisode critique mais je m’en sors encore. Le 31 octobre, jour d’Halloween, avant-veille du jour des morts, mon téléphone sonne : des poumons sont disponibles, il faut y aller ! Là, je vacille, mes jambes flanchent, je suis submergée d’émotions, j’appelle ma mère, le père de mon fils, ma meilleure amie et on finit par partir à l’hôpital. Sur le trajet, coup de fil : « le greffon n’est pas viable, on annule ! » Les jours suivants, je me dégrade à vitesse grand V. Cela va être compliqué si un nouveau greffon n’arrive pas très vite. Et par chance, le 09 novembre 2007, à 23h, on m’appelle à nouveau et je pars pour 11h d’opération. Il ne me restait plus que 13 % de souffle.
“Cela va être compliqué si un nouveau greffon n’arrive pas très vite.”
Au réveil, avec mes nouveaux poumons, je me sens apaisée, comme délivrée : je peux respirer seule, mes lèvres sont moins bleues, je peux tenir une conversation normale alors qu’avant, j’étais incapable de faire une phrase entière sans reprendre mon souffle. Je vais aussi reprendre du poids (+12 kg) retrouver mon corps de femme et quitter celui de petite fille maigrichonne dans lequel j’étais retombée.
L’après greffe…
Ensuite, pendant 11 ans, je vis, certes avec beaucoup de surveillance, des médicaments anti-rejets à prendre chaque jour à heures fixes. Toujours cette épée de Damoclès du rejet au-dessus de moi qui va m’accompagner en permanence désormais pouvant soit m’envoyer au cimetière, soit vers une nouvelle greffe. Mais au final, un parcours de greffée sans véritable complication.
“Toujours cette épée de Damoclès du rejet au-dessus de moi qui va m’accompagner en permanence désormais” — Sabrina
Et depuis 3 ans se complique. Les galères recommencent, provoquées par toutes ces années de médicaments anti-rejets dont je découvre les effets secondaires que maintenant, comme une bombe à retardement. Cela commence par une tumeur évolutive sur le Thymus entre les poumons qu’il faut donc enlever en réouvrant le thorax avec une belle nouvelle cicatrice de 20 cm. Puis un diabète qui apparaît, suivi par un cancer de la thyroïde qu’il faut opérer d’urgence, et tout récemment l’annonce qu’il va falloir m’enlever l’utérus suite à un papillomavirus qui a toutes les chances d’évoluer en cancer avec la dose de médicaments anti-rejets que je prends…
Jusqu’à quand je vais tenir ?! Et je ne peux même pas dire que j’en peux plus, car je m’accroche et j’aime la vie par dessus tout. Quand j’explique que malgré tout, je vis un véritable cauchemar, on me répond à chaque nouvelle annonce, à chaque nouveau problème : « t’as vu pire ! » C’est peut-être vrai mais je n’ai pas envie d’entendre cela !
“On a trouvé des traitements pour mieux lutter contre la mucoviscidose, il faut trouver des traitements pour limiter les risques de rejet […]”
Ce que j’ai envie d’entendre, c’est que les chercheurs multiplient, augmentent, accélèrent leurs travaux sur la transplantation d’organes. On a trouvé des traitements pour mieux lutter contre la mucoviscidose, il faut trouver des traitements pour limiter les risques de rejet et en même temps, diminuer la toxicité des médicaments anti-rejets pour tous les greffés actuels et ceux qui en auront besoin !
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